Il y a de cela 50 ans, la NASA envoyait les astronautes d’Apollo 11 sur la lune, avec un ordinateur d’une capacité de 70 Kilo Octet. Aujourd’hui, c’est le poids d’un simple mail envoyé. Avec son explosion, le numérique s’est aussi vu s’alourdir : augmentation du partage de contenu, de la création de données, conception de réelles usines à gaz en tant que services numériques…

Nous faisons alors face à des retombées environnementales et sociales inédites. La surcharge du numérique impacte aussi bien notre environnement que nous, en tant qu’individu. Comment et pourquoi le numérique s’est surchargé ? Comment tendre vers une plus grande sobriété numérique ? Explorons le sujet.

La surcharge informationnelle : l’ère de l’infobésité

Le numérique a un rôle majeur dans un meilleur accès à l’information et à sa diffusion. Les répercussions positives de cette amélioration sont indéniables d’un point de vue démocratique, social et culturel. Cependant, face à un trop-plein d’informations émanant continuellement de tous les côtés, il est facile de se noyer. Le phénomène de surcharge informationnelle, aussi dit infobésité, est une conséquence née au sein de notre ère numérique. 

Réseaux sociaux, médias en ligne, newsletter, publicité, notifications par dizaine… Cet excès nous touche, tant bien l’environnement dans lequel nous vivons que notre santé. La facilité déconcertante avec laquelle nous pouvons partager du contenu accélère ce phénomène. D’après les dires de P. Aron et C. Petit dans le livre de Caroline Sauvajol-Rialland Infobésité, gros risques et vrais remèdes : ”l’humanité a produit au cours des 30 dernières années plus d’informations qu’en 2000 ans d’histoire et ce volume d’informations double tous les 4 ans.”

Quelles répercussions sur notre santé ?

Au-delà d’avoir un impact environnemental lié au stockage et à la diffusion de ces contenus, nous faisons face à des conséquences sur notre santé. Cette surcharge informationnelle amène à une nouvelle forme de pollution numérique : la surinformation et la désinformation.

Les externalités négatives de cette pollution sont grandes. Allant du stress à l’anxiété, en passant par le FOMO (Fear Of Missing Out, la peur de passer à côté d’informations importantes), un déficit de l’attention voire le burn-out. Nous sommes surmenés. Le phénomène est d’autant plus négatif qu’il ne nous apporte pas toujours la bonne information. Les fake news sont un fléau déjà bien réparti, qui mettent à mal nos connaissances individuelles, et donc, impactent l’ensemble de nos sociétés.

Obésiciel - des services numériques de plus en plus lourds

Qui dit trop plein d’informations, dit de grosses structures pour les partager. Dans une ère numérique où les possibilités de création sont infinies, nous sommes devenus gourmands. “Mieux vaut plus que pas assez” : la peur de manquer, l’envie de répondre à tous les besoins voire d’en créer, combinés à l’accessibilité des outils de création, nous ont menés à complexifier tous les services numériques. D’après Frédérick Marchand dans son livre “40 mots pour un numérique responsable”, ceux-ci demandent 100 fois plus de ressources qu’il y a 20 ans. Chaque acte sur le web demande plus d’énergie qu’avant. Frédéric Bordage l’explique avec cette comparaison troublante : “En 1969, la Nasa envoyait Apollo 11 sur la lune avec à bord un ordinateur d’une capacité de 70 Ko. Le poids d’un simple mail actuel !” 

 

Pourquoi un tel alourdissement est arrivé ?

Nous avons privilégié l’esthétisme, en pensant qu’un service riche en contenu était un signe de confiance et de qualité. L’alourdissement des services numériques est directement lié à la quantité et au poids de chaque fonctionnalité. Les expériences utilisateurs nous montrent le contraire : une multitude de fonctionnalités embrouille l’utilisateur qu’il ne l’aide dans son parcours.

Explorer l’ensemble des possibilités que les technologies nous apportent est tentant. L’intelligence artificielle fait partie de ces nouveautés que les concepteurs souhaitent intégrer à tour de bras, sans réel sens, dans le but de communiquer sur une soi-disante avancée. Cependant, ces fonctionnalités ou technologies ne répondent pas toujours à un besoin. On estime que 10 à 30% des fonctionnalités présentes sur des services numériques ne sont pas utilisées.

Tendre vers la sobriété numérique : une nécessité

Le numérique nécessite un retour à la sobriété, à un équilibre entre besoin et solution – et non à la création artificielle pour stimuler des envies purement émotionnelles. Prendre conscience de cette obésité numérique est un premier pas pour l’endiguer.

Les impacts liés à cette surcharge sont d’ordres environnementaux, sociaux et sociétaux. Frédérick Marchand l’évoque : “La croissance ininterrompue de la gourmandise des applications est le principal déclencheur de l’obsolescence programmée.” 

L’alourdissement des services numériques s’accouple d’une exacerbation des demandes en énergie. Le stockage et les requêtes nécessaires au bon déroulement des fonctionnalités représentent notamment des coûts en infrastructure et en électricité supplémentaires. Selon l’hébergement web choisi pour une application, la performance énergétique, les besoins en eau et la pollution engendrée changent. L’impact environnemental peut alors différer. Alors il est important d’alléger ses services, notamment via le principe d’éco-conception web. La sobriété revient à dire autant avec moins de contenu – à impacter, transcender à travers son minimalisme. Comme dit le proverbe : “Qui peut le plus peut le moins.”

Les avantages de la sobriété numérique

Que ce soit le partage de contenus ou la conception de services numériques, l’intégration du principe de sobriété n’a que des avantages. Côté partage de contenus, son allègement permet une diminution du stress et de l’anxiété pour tous les utilisateurs.

En résumé, repenser le numérique pour l’intégrer dans un futur plus sobre est une nécessité. À quoi bon avancer dans le “toujours plus” ? Celui-ci a-t-il une fin vertueuse ? La réflexion est essentielle pour nous : designers, rédacteurs, développeurs, concepteurs de services numériques.

A propos de l'auteur

Alizée Colin

Fondatrice & rédactrice

UX/UI designeuse, j’aspire à recentrer le web et ses outils dans un objectif de bien commun, tant bien environnemental que social. Nous sommes dans une ère où nous nous devons de réinventer notre manière de concevoir et de communiquer. Le numérique responsable en fait partie. Changeons les choses.

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