Revenons en arrière pour mieux comprendre le contexte actuel. Les femmes n’ont pas toujours été les oubliées du numérique. En réalité, ce sont des femmes qui ont inventé la programmation. Ada Lovelace, souvent citée, en est la pionnière au XIXè siècle. Par la suite, les femmes programmeuses ont eu un rôle clé lors de la Seconde Guerre Mondiale aux USA avec l’ENIAC. Dans les années 60, c’est l’équipe de Margaret Hamilton qui a permis de poser le programme Apollo 11 sur la Lune. L’importance des programmeuses de la NASA a notamment été racontée dans Les figures de l’ombre, un film de Theodore Melfi sorti en 2016.
Comment l’histoire a pu-t-elle s’inverser de la sorte ? Dans son ouvrage Les oubliées du numérique, Isabelle Collet fait référence à deux périodes. Avant les années 80, « la programmation était jugée sans valeur à l’époque, seul le travail d’ingénieur en avait ». Les métiers de la programmation découlaient plutôt de ceux du secrétariat, majoritairement menés par des femmes. Les femmes étaient alors très présentes, mais on oubliait leur présence.
C’est après la mise en lumière de ce métier via de belles histoires comme celle d’Apollo 11, que ceux-ci prennent en valeur. Nous arrivons dans notre deuxième période : les années 80 sonnent l’heure de gloire pour les métiers de la programmation. Elle se traduit par une ouverture à la formation aux métiers techniques et l’avènement de l’ordinateur personnel dans les foyers. D’après Isabelle Collet, ces ordinateurs ont plus été mis dans les mains des garçons que des filles, formant un premier écart. C’est ce regroupement des jeunes garçons sur Internet et bidouillant l’ordinateur familial, qui forma la génération que l’on a appelé les « geeks » ou les « nerds ». Elle l’explique dans cet épisode d’Alt12, websérie dédiée aux femmes dans la tech. À force d’expériences sexistes ordinaires, d’orientations des filles vers des métiers « plus féminins », aujourd’hui, les femmes sont oubliées du numérique car n’y sont tout simplement pas.