L’open design, autrement dit la conception ouverte et libre, a le vent en poupe depuis de nombreuses années et particulièrement dans le secteur numérique. Ouverture des codes sources, ressources disponibles sous licence Creative Commons… Donner accès à ces informations est un acte militant prôné depuis longtemps par la communauté hacker et repris par de plus en plus de concepteurs de services numériques. En quoi l’open design est la pierre angulaire d’un numérique plus résilient ? Les bénéfices sociaux, de sécurité, de performance, voire environnementaux sont multiples. Creusons ce mouvement.

Qu’est-ce que l’open design ?

Reprenons la définition claire de la page Wikipédia du mouvement de l’open design : « Le mouvement de l’open design (conception ouverte) implique le développement de produits physiques, de machines et de systèmes par l’utilisation d’informations de conception partagées publiquement. » Ce mouvement englobe le principe d’open source et de logiciel libre ainsi que la conception ouverte de tout matériel informatique (hardware).

L’open design transposé à la conception de services numériques

L’open design peut prendre différentes formes dans le cadre d’un projet numérique ou non. Il est possible d’ouvrir la documentation d’un service numérique comme son code source, l’architecture ou encore ses maquettes UI. Cela peut notamment se faire au travers de licences libres, les Creative Commons, qui permettent une protection du droit d’auteur tout en offrant un accès ouvert à des ressources.

Deuxièmement, il est possible d’ouvrir directement un service depuis l’étape de conception en collaborant de manière libre dès les prémices du projet. Asta Fjeldsted et Gudrun Adalsteinsdottir de l’Université Technologique du Danemark ont publié en 2012 une thèse, L’Open Design Consulting. Elles y définissent « The Open Design Process », une méthodologie de collaboration ouverte et libre au sein d’un projet. Voici les éléments piliers de ce processus :

  • La plateforme est l’élément central de tout projet libre. Elle facilite et valorise toutes les interactions entre les parties prenantes via une « relation symbiotique ». Ce socle peut prendre la forme d’un site web dédié au projet, d’un compte Github ou d’un espace de travail ouvert par exemple. Il doit être accessible à tous.
  • La communauté regroupe les initiateurs du projet, ses ressources humaines proches et indispensables ainsi que les participants, souvent externes à l’organisme initiateur. C’est ici que l’on peut voir apparaître les « utilisateurs-experts », un segment utilisateur très engagé. La relation au sein de la communauté est basée sur la confiance, la collaboration et la valorisation de chacun.
  • Le développement d’un produit ou service de manière libre est possible avec différentes ressources mises à disposition. Ces informations permettent la co-conception du produit ou service par la communauté. Chacun contribue à sa manière grâce à ses connaissances et expertises combinées aux sources libres.
  • Le business est un élément indéniablement au cœur de tout projet. Comment l’ensemble peut-il prospérer ? Le business model doit être adapté à un projet libre. C’est notamment ici que le choix de licence entre en jeu.
  • L’ambition (exprimé « drive » dans la thèse) est ce qui va motiver les individus à nouer des relations vers un objectif commun. Pour l’exemple de Linux, la motivation est d’aller à l’encontre des géants ayant un monopôle (Microsoft).

En quoi l’open design contribue à un numérique résilient ?

Comment ce processus et, plus largement, mouvement de l’open design, peut contribuer à un numérique plus positif et résilient ? De nombreux avantages ressortent, tant sur l’aspect social, environnemental, de sécurité ou de performance. Ici alors, toutes les parties prenantes de près ou de loin à des services numériques peuvent en bénéficier. Faisons un zoom.

Avantages en termes de performance et de sécurité

Les avantages sur la performance et la sécurité d’un service numérique open-source sont souvent les premiers évoqués pour convaincre à adopter le mouvement. L’ouverture des codes sources ou d’autres ressources d’un service numérique alloue à de nombreux individus, dont des potentiels experts, d’y jeter un œil. Ceux-ci peuvent alors être à la base de détection et de correction de bugs, notamment de sécurité. À plus de cerveaux, certains casse-têtes sont résolus plus rapidement.

L’ouverture permet également aux utilisateurs d’exprimer des idées pour améliorer le service qu’ils utilisent. Étant les premiers concernés, ils peuvent être force de proposition. De plus, vu que chacun collabore de manière libre et voulue, chacun décide des missions auxquelles il souhaite contribuer. Celles-ci ne sont pas attribuées et sont alors solutionnées par des individus ayant à la fois les compétences et l’envie de les traiter, maximisant les chances de réussite.

Avantages du point de vue social

L’open design permet une diminution des coûts liés au service, permettant un accès entièrement gratuit à des services de qualité, favorisant un numérique plus inclusif. Chaque individu contribue de manière bénévole au projet. Les participants peuvent aussi par exemple être à l’origine d’une correction rapide d’une faille de sécurité qui aurait pu avoir un coût financier élevé.

Côté contributeur, designer de manière ouverte recentre le service entre les mains de passionnés du monde entier et d’utilisateurs, pas seulement les concepteurs derrière leurs bureaux. Ce ne sont pas seulement ceux avec le statut de designer qui interagissent et sont porteurs d’idées au sein du projet, les rôles sont redéfinis. Jenny Wen, designeuse chez Figma le résume : « Vous ne devriez pas vous inquiéter à avoir un titre de Designer pour designer ». Toute contribution est valorisée par de la reconnaissance et de l’exposition, peu importe le statut du participant.

Les avantages sociétaux de l’open design

Les technologies libres sont, sans aucun doute, plus éthiques que d’autres. Leur ouverture permet la correction de bug, comme évoqué, mais aussi de biais possiblement présents comme cela peut être le cas avec l’utilisation d’intelligence artificielle. L’amélioration ici peut limiter des problèmes de discrimination notamment.

L’ouverture permet aussi l’accès à des ressources culturelles, et redonne le pouvoir de savoir aux citoyens. La connaissance est une arme fortement nécessaire pour nourrir nos démocraties. Au-delà, les valeurs au cœur du mouvement open-source restent la confiance et la transparence, valeurs piliers pour que toute société prospère.

Les avantages environnementaux de l'open design

On peut aussi penser aux avantages sur la consommation de ressources et l’impact environnemental du produit ou service. En effet, avec plus de retours d’utilisateurs, l’ensemble de la communauté peut alors concevoir des services répondant exactement aux besoins des utilisateurs mais aussi retirer des fonctionnalités non-essentielles et superflues. Cet écrémage a indéniablement un impact sur le poids du service et son empreinte environnementale.

La conception en open-source de services numériques peut directement ou indirectement lutter contre des externalités négatives d’un design superflu et lourd. Des logiciels plus éco-conçus à la base sont un premier pas pour lutter contre l’obsolescence de nos appareils. Et la conception technique plus transparente et ouverte de nos appareils vient indéniablement freiner leur obsolescence programmée.

En conclusion

Face au futur, comment l’open design peut changer notre monde ? La collaboration s’est toujours montrée enrichissante et, au-delà, accélérateur de solutions et d’avancées. L’œil neuf de chacun est une aubaine pour tout concepteur. La créativité et la variété des solutions alternatives proposées est forcément bénéfique à toutes les parties prenantes : concepteurs, utilisateurs, décideurs…

Le service ouvert et libre est plus flexible et résilient. Il peut continuer d’exister dans le temps, peu importe la situation des concepteurs comme la faillite par exemple. Le principe d’open design favorise l’inclusion, l’équitée, l’accessibilité, la transparence mais aussi la sécurité, l’impact environnemental et la performance d’un service numérique.

A propos de l'auteur

Alizée Colin

Fondatrice & rédactrice

UX/UI designeuse, j’aspire à recentrer le web et ses outils dans un objectif de bien commun, tant bien environnemental que social. Nous sommes dans une ère où nous nous devons de réinventer notre manière de concevoir et de communiquer. Le numérique responsable en fait partie. Changeons les choses.

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