Retour sur la loi REEN, quelles avancées et manquements ?
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Les dernières semaines ont été marquées par l’adoption marquante de la loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France (REEN). L’heure est alors à un récapitulatif de cette loi. Qu’allons-nous y trouver ? Quels textes manquent ? Qu’attendre du futur ?
Que trouver dans la loi REEN ?
Mardi 02 novembre, le Sénat a voté la loi REEN pour Réduire l’Empreinte Environnementale du Numérique en France. Celle-ci a été votée sans grandes modifications depuis son passage à l’Assemblée Nationale en juin. Elle vise à agir sur différents volets transversaux :
1. Sensibilisation à l’impact environnemental du numérique par l’éducation :
Il est prévu d’ajouter aux formations dans les collèges et lycées une sensibilisation aux impacts environnementaux des outils numériques ainsi qu’à la sobriété numérique.
Deuxièmement, une incrémentation de cours à l’écoconception de services numériques ainsi qu’un volet sur la sobriété numérique sont attendus dans les formations d’ingénieurs.
Troisièmement, une création d’un observatoire de l’empreinte environnementale du numérique va s’amorcer auprès de l’Ademe et de l’Arcep. Celui-ci aura la mission d’analyser et quantifier ces impacts pour en donner les résultats publiquement.
2. Limiter le renouvellement des terminaux
La loi REEN élargit le délit de l’obsolescence programmée à l’obsolescence logicielle et encadre l’information du consommateur lors des mises à jour. En clair, le vendeur a l’obligation de donner toutes les informations nécessaires (stockage nécessaire, objectif de la mise à jour…) à l’utilisateur. Les vendeurs doivent également donner des informations et conseils d’entretien et de réparation des appareils à l’utilisateur tout au long de son cycle de vie, afin d’accentuer leurs performances.
Les équipements informatiques de moins de 10 ans utilisés dans les services publics ainsi que les collectivités territoriales seront obligatoirement orientés vers le réemploi ou la réutilisation.
Quelques jours avant l’adoption de cette loi, et sans lien avec celle-ci, un Référentiel général d’écoconception de service numérique a été proposé par la Dinum, l’Ademe, le Ministère de la Transition écologique et l’INR, disponible sur ce site.
Les manquements de la loi REEN
Et oui, car même si cette proposition de loi était ambitieuse à la base, celle-ci n’est plus aussi contraignante aujourd’hui. Patrick Chaize, à l’origine de la proposition de loi, admet qu’elle aurait pu être plus poussée. « Nous aurions encore pu améliorer la proposition de loi REEN, mais le calendrier parlementaire ne le permet plus ». Le choix de l’adoption du texte, avec plusieurs propositions non retenues, assure alors une mise en place rapide. Les élections présidentielles arrivant à grands pas, la loi aurait pu passer en dessous d’autres.
Quels sont les textes non retenus de la loi REEN ?
L’allongement de garantie d’un appareil de deux à cinq ans n’a pas été voté. Si celui-ci avait été voté, l’utilisateur aurait dû continuer à recevoir les mises à jour système au moins pendant ce laps de temps.
Autre grand point de discorde, l’exonération ou la réduction de la rémunération pour copie privée pour certains produits reconditionnés. Cette taxe est collectée auprès des fabricants ou importateurs de matériels de stockage (clé USB, disques durs externes…) et bénéficie aux auteurs. Cette exonération aurait pu pousser les fabricants à mettre plus d’importance sur les appareils reconditionnés. Le Gouvernement doit remettre au Parlement d’ici le 31 décembre un rapport sur la rémunération pour copie privée et son impact économique. Des modifications sur ce point pourront alors être menées ultérieurement.
À suivre dans le futur
Afin d’enrichir la loi et l’ensemble de la démarche vers un numérique Français plus responsable, le Gouvernement doit délivrer plusieurs rapports d’ici les prochains mois. Premièrement, d’ici un an, il doit présenter un rapport sur l’empreinte environnementale des cryptomonnaies et de l’impact du minage. Nous pouvons penser qu’une régulation des méthodes de création de ces monnaies pourra être imposée dans le futur. Secondement, au plus tard le 1er janvier 2025, les communes de plus de 50 000 habitants doivent présenter une stratégie numérique responsable pour leur ville. Cette date reste lointaine et n’engage pour l’instant en rien mais peut permettre une démarche locale plus ambitieuse.
Pour finir sur la loi REEN
Enfin, n’oublions pas qu’une autre proposition de loi a été adoptée par le Sénat visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep). Cette loi entend recueillir des informations auprès des fournisseurs de services de communication et de systèmes d’exploitation, des opérateurs de centre de données et des fabricants d’appareils électroniques. Toutes ces informations serviront à dresser un bilan de l’empreinte environnementale du numérique en France afin de mieux en réguler son articulation.
La France est l’un des premiers pays à s’engager publiquement pour un numérique plus durable. Ce texte adopté est moins ambitieux que sa première ébauche, mais il a le mérite d’avoir été adopté. Nous espérons tous que de futurs textes plus contraignants voient le jour. Nous n’avons que peu de temps pour agir face au dérèglement climatique, alors nous devons avancer.
UX/UI designeuse, j’aspire à recentrer le web et ses outils dans un objectif de bien commun, tant bien environnemental que social. Nous sommes dans une ère où nous nous devons de réinventer notre manière de concevoir et de communiquer. Le numérique responsable en fait partie. Changeons les choses.