La crise sanitaire fait état de tournant pour l’année 2020. Prise de conscience écologique, exacerbation des inégalités sociales… La population mondiale change ses habitudes. Entre la généralisation du télétravail, l’explosion du e-commerce et la digitalisation des indépendants, le numérique est favorisé avec la crise sanitaire. Mais qu’en est-il du numérique responsable ?

Numérique et confinement : des appréhensions palpables

Sur exposition aux plateformes

L’augmentation brusque de l’usage du numérique liée au télétravail et à l’école en ligne a ouvert la porte à une surexposition. L’utilisation massive d’écrans, surtout au premier confinement, ont remis sur la table des inquiétudes concernant la protection des données ou encore le design d’attention. En temps de crise sanitaire, la propagation de fake news a été (et est encore) un fléau d’actualité.

Les jeunes face au design d’attention

Pour les jeunes, le confinement est le signe d’une sur-utilisation des écrans. Selon App Annie, le temps d’écrans a augmenté de 25% en France lors du premier confinement. En limitant les possibilités de sorties, de nombreux jeunes se sont recroquevillés sur les réseaux sociaux ou autres plateformes, encore plus que d’ordinaire. Le design d’attention de nos plateformes préférées n’arrange pas la donne, mais plutôt contribue à un enfermement général et progressif. Face à ce constat alarmant, de nombreux parents expriment depuis plusieurs mois leurs inquiétudes. Le sujet de l’impact des réseaux sociaux sur la santé mentale et physique des jeunes est alors remis en lumière. Le documentaire Netflix “Derrière nos écrans de fumée” sorti début septembre participe aussi à une prise de conscience face aux méthodes de captation d’attention utilisées dans le numérique.

Sécurité et télétravail

Du côté du télétravail, les plateformes de visioconférences ont aussi leur lot d’appréhensions. La question de la protection des données est centrale face à des méthodes de travail bouleversées pendant la crise. Zoom, après une explosion d’utilisateurs lors du premier confinement, a connu des dangers concernant des failles de sécurité détectées sur sa plateforme. À l’époque, aucun mot de passe n’était nécessaire pour entrer dans un meeting Zoom. N’importe qui pouvait alors s’immiscer dans une réunion, plus ou moins importante et privée. Une autre polémique Zoom montre que la plateforme a accès aux flux vidéos et audio. Elle affirme cependant faire du chiffrement de bout en bout. L’entreprise a mis en place dès début décembre un programme visant à résoudre tous ces problèmes.

Ceci n’est qu’un exemple parmi les nombreuses plateformes de travail collaboratifs ou de visioconférences utilisées en ce moment. Cette utilisation ici aussi exige une sécurité et une protection des données avérée.

Une pollution numérique en hausse face à la crise sanitaire ?

Cette crainte a été établie au premier confinement, alors qu’on voyait exploser le télétravail, les visioconférences et l’école en ligne. Cependant, comme l’a expliqué GreenIT.fr dans un article sur le sujet, la balance penche plus vers la réduction de son empreinte environnementale. En effet, même si les usages sont en augmentation, il ne faut pas oublier que les ¾ de la pollution numérique sont générées lors de sa fabrication. Ainsi, tant que le nombre d’appareils électroniques n’est pas en augmentation, l’empreinte carbone ne l’ai pas non plus.

Il est aussi, au final, plus bénéfique d’un point de vue environnemental de faire du télétravail plutôt que d’aller au bureau et d’utiliser des installations plus énergivores. 

La crise sanitaire amorce-t-elle des avancées sur le numérique responsable ?

L’Europe, régulateur pour un numérique plus responsable

Preuve d’avancement au niveau gouvernemental, deux régulations européennes portant sur le numérique ont été amenées à Bruxelles, ce 9 décembre. Une “Constitution numérique” pour rétablir un numérique plus responsable ? Ici le “Digital Services Act” et le “Digital Market Act” sont une pression mise sur les acteurs du numérique pour en faire une place plus sécurisée, éthique et équitable.

La première régulation, le “Digital Services Act”, porte sur la modération des contenus en ligne. Celle-ci a pour but de réguler et supprimer des propos haineux émis en ligne, de la même manière qu’en “off-line”. Pour ce qui en est des plateformes, la régulation est présente pour rappeler leur responsabilité face à ces propos. Il se pourrait donc, dans chaque pays, qu’une autorité soit chargée de surveiller l’application de cet acte par les plateformes.

La deuxième, le “Digital Market Act”, vise directement les GAFAM et géants du web. Elle veille à encadrer et réguler la concurrence, afin de laisser la place aux jeunes pousses que sont les startups et autres, voulant leur place au sein du marché. La volonté est bien d’offrir une meilleure équité entre acteurs, favorisant le déploiement d’organismes et entreprises plus responsables.

Pas de mesures concernant l’impact environnemental, donc, mais des actes gravitants autour de l’éthique dans le numérique. Comme expliqué dans cet article, Bercy met l’accent sur le contexte, qui est favorable à la présentation de ces régulations : «Nous allons sortir d’une crise sociétale profonde – or ces crises permettent souvent des développements, comme celle des géants du numérique à l’issue de la crise de 2008. C’est un moment très critique». Ce travail législatif ambitieux démontre une réelle volonté, allant au-delà du RGPD, à poser un cadre sur le numérique encore trop opaque et formé de monopoles.

L'ascension de la Tech for Good

Ce lundi 30 novembre, 73 entreprises du numérique ont signé “l’appel Tech for Good” lancé par l’Elysée en 2018. Le texte engage ceux qui l’ont signé à mobiliser leurs ressources dans un objectif de bien commun. Le texte axe alors sur la haine en ligne, la transition écologique, la fiscalité et bien d’autres sujets gravitant autour du numérique. 

Non contraignante, l’initiative est perçue par certains comme une “coquille vide”, ne laissant place qu’aux paroles et non aux actes. La Tech for Good est souvent la cible de doutes, comme je l’explique dans un article sur le sujet. Ce texte a cependant été signé par plusieurs géants du numérique comme Google et Facebook, des grandes entreprises comme Orange et BNP Paribas, ainsi que des startups comme BackMarket et Deliveroo. Les acteurs se retrouveront pour le sommet sur la Tech for Good en juin 2021 et échangerons autour des actes qui ont suivi cette signature.

Une prise de conscience généralisée ?

La crise sanitaire amorce sans aucun doute un tournant dans notre manière de consommer. Les utilisations que nous avons à l’heure de la COVID-19 diffèrent bien de nos habitudes, créant chez chacun des réflexions autour de ces nouveaux usages.

Nous l’avons évoqué précédemment, l’ensemble de la population a les yeux rivés sur le numérique et les plateformes que nous connaissons tous. Des voix se lèvent alors, pour en rappeler les limites. Qu’il soit de la sécurité des plateformes, leur éthique ou leur impact environnemental, une majorité a conscience du chemin qu’il reste à faire. Pour ce qui en est de la pollution numérique, celle-ci a été évoquée au début du confinement et c’est ici où l’on peut voir une ouverture. Le sujet n’était que peu évoqué auparavant, contrairement aux autres, ce qui laisse la place à une belle évolution et l’instauration de bonnes pratiques.

A propos de l'auteur

Alizée Colin

Fondatrice & rédactrice

UX/UI designeuse, j’aspire à recentrer le web et ses outils dans un objectif de bien commun, tant bien environnemental que social. Nous sommes dans une ère où nous nous devons de réinventer notre manière de concevoir et de communiquer. Le numérique responsable en fait partie. Changeons les choses.

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