Sur la planète, 2,6 milliards de personnes n’ont pas de téléphone mobile et 3,3 milliards n’ont pas accès à Internet. Malgré ces chiffres, le numérique est absolument partout dans nos vies : travail, streaming en ligne, apprentissage, divertissement, impôts… Il est difficile de passer à côté. Pour une partie de la population, ne pas avoir accès au numérique ou utiliser ses outils se vie comme un réel fossé avec les internautes, c’est ce qu’on appelle la fracture numérique. Qu’est-ce qu’elle englobe concrètement et comment la combattre ?

La fracture numérique, qu’est ce c’est ?

Rien qu’en France, 7% de la population n’a pas accès à internet à son domicile (source INSEE). Cette inégalité face aux technologies de l’information et de la communication (TIC) a plusieurs formes, causes et conséquences. Elle est communément appelée “fracture numérique”.

Le numérique peut être facteur d’inclusion comme d’exclusion. Face au numérique, les inégalités se creusent et les conséquences pour chaque individu sont visibles sur le long terme. Essayons de décortiquer un peu plus les causes et leurs solutions.

La fracture numérique arrive à différentes étapes face aux outils numérique : à leur accès et lors de leur utilisation. Et est aussi de différentes causes : géographique, financière, d’appréhension de l’outil (handicap ou illectronisme par exemple).

Cause financière

Les évolutions technologiques ont permis l’arrivée d’appareils électroniques au moindre coût. Il est en effet plus commun d’avoir un téléphone mobile qu’il y a 50 ans. Cependant, une partie de la population (quel que soit le type de pays) n’a pas les moyens de s’acheter un téléphone portable ou un ordinateur. Le premier critère dans l’accès au numérique est donc financier.

De plus, pour les personnes ayant la possibilité d’avoir un téléphone mobile, par exemple, celles-ci ne peuvent se permettre d’avoir les derniers modèles. Cela constitue un nouveau frein car, une partie des technologies sont conçues pour être utilisées seulement sur les appareils récents. Pour exemple, depuis début 2019, WhatsApp ne fonctionne plus sur plusieurs dizaines de modèles de téléphone anciens (BlackBerry, Nokia, Android et Iphone). Cela induit une exclusion supposée de plusieurs millions de personnes à travers le monde qui ne sont pas connectées à l’application.

Quelle serait donc la solution ?

Du côté des fabricants de smartphones, c’est un véritable enjeu que de construire des appareils utilisables par tous et ce, à un coût raisonnable. Nous pouvons par exemple montrer l’initiative du Fairphone, un smartphone conçu de manière durable, fait pour durer dans le temps et réparable à un moindre coût. Pour le Fairphone 3, le prix tourne autour de 400€. Ce prix reste un investissement pour une partie de la population mais ce téléphone est fait pour durer plusieurs années.  Pour les concepteurs, l’enjeu de concevoir des technologies (applications mobiles, logiciels…) qui peuvent être utilisées sur tout type d’appareils électronique. Pour cela, le premier pas à faire est d’éco-concevoir sa technologie. Plus celle-ci sera frugale et sobre, plus elle pourra s’appliquer à des appareils plus anciens.

Fracture numérique liée à l’utilisation

Après l’accès aux appareils électroniques vient son utilisation. En effet, même avec un appareil électronique, nous ne sommes pas liés à la même enseigne en ce qui concerne l’accès à Internet ou son utilisation. Creusons le problème.

Connexion internet, pas tous logés à la même enseigne

Nous l’oublions souvent mais l’accès à Internet reste un privilège pour une grand partie de la population. Dans le monde, 43% de la population n’a pas accès à Internet. Ce problème nourrit la fracture numérique. Là où le problème de connexion est le plus intense reste dans les pays en développement. En Afrique centrale, seul 12% de la population a une connexion à Internet. De ce fait, l’accès aux technologies (sites internet, applications…) n’est pas équitable selon notre localisation dans le monde. De même, cela peut être le cas dans plusieurs régions en France. Comme dit précédemment, 7,3 millions de personnes n’ont pas accès à Internet en France.

Au delà de l’accès à Internet, sa qualité de connexion est tout autant hétérogène dans le monde. Il existe une grande fracture entre les pays développés et ceux en voie de développement. Internet est par exemple 50 fois plus rapide à Singapour qu’à Alger. Cela nourrit aussi la fracture numérique.

Quelles seraient les solutions ?

Des améliorations sont à faire au niveau de l’accès au réseau Internet. Que ce soit dans des pays en développement ou dans les coins reculés en France, le tout est d’abord d’équiper l’ensemble de la population avec une certaine qualité de réseau. Il est primordial de donner la possibilité à chacun d’accéder au numérique s’il le souhaite avant d’augmenter la qualité du réseau dans les grandes villes déjà bien équipées. L’objectif est de s’approcher d’un accès à Internet plus équitable et homogène entre les différentes régions géographiques.

L’illectronisme, l'illettrisme numérique

La fracture numérique ne s’arrête pas à son accès mais englobe aussi son utilisation. Même avec un appareil électronique et une bonne connexion, un problème peut s’ajouter : l’illectronisme.

L’illectronisme est le fait de rencontrer des difficultées voire une impossibilité à utiliser les outils numériques. Selon une étude datant de 2018 par le CSA pour le Syndicat de la Presse Sociale, 23% des Français “ne sont pas à l’aise avec le numérique”. Un grand problème au vu des nombreuses démarches administratives qui doivent être faites sur Internet (impôts) ou recherche d’emploi. 19% des Français ont déjà renoncé à quelque chose parce que cela impliquait l’utilisation d’internet, c’est ce que l’on appelle les “abandonnistes”. Ce phénomène peut notamment toucher des personnes âgées, qui sont alors victime d’une fracture numérique générationnelle

La solution face à l’illectronisme est d’accompagner au mieux les personnes concernées. En France, un pass numérique a été déployé par l’Etat. Toute personne peut se procurer un carnet de plusieurs chèques auprès d’une structure sociale. Ce pass va lui permettre d’accéder gratuitement à des ateliers ou des services d’accompagnement numérique.

L’accessibilité numérique

L’accessibilité web concerne plusieurs millions de personnes en France. Naviguer sur Internet en étant aveugle, tétraplégique ou sourd peut s’avérer difficile. De nombreux outils sont là pour les aider, mais ils représentent un coût supplémentaire. Cela représente donc une autre facette de la fracture numérique.

La solution face à l’accessibilité numérique des personnes en situation de handicap reste du ressort des concepteurs. Concevoir une technologie en réfléchissant à son utilisation pour tout type de personne. Cela passe notamment par un design sobre et éthique, ne mettant pas à mal l’expérience de l’utilisateur. 

En France, le RGAA (Référentiel général d’amélioration de l’accessibilité) guide l’application des normes d’accessibilité web régies par le W3C. Sur le territoire, tous les services en ligne de l’état doivent répondre aux critères WCAG A.

L’impact de la crise sanitaire

La fracture numérique s’est exacerbée durant la crise sanitaire que nous avons connu début 2020. Avec le confinement, seuls nos appareils électroniques avec une connexion à Internet pouvaient nous aider à maintenir un contact sociale. Au delà de ça, le télétravail et l’école à la maison ont été la norme pendant 8 semaines. Ne pas avoir accès à un appareil électronique et/ou à une connexion internet constitue un manque dans l’apprentissage des plus jeunes et dans le travail des parents. Cette crise a aussi mis en lumière le cas de familles où peu d’appareils étaient disponibles pour l’ensemble de la famille.

Des initiatives de plusieurs associations et entreprises ont eu pour ambition de casser cette fracture durant le confinement. La plateforme “Tous aux ordis” propulsée par l’agence nantaise The Links a pour but de collecter “tout ce qui peut se connecter à internet” et les redistribuer dans les environs de Nantes.

Conclusion

Après les besoins vitaux tels que la nourriture ou l’eau, l’accès à la culture et à l’apprentissage est primordial pour chacun. Que ce soit par cause financière, d’illectronisme ou de handicap, le phénomène d’exclusion numérique touche la moitié des Français.  Avec l’augmentation constante de l’utilisation des outils numériques, n’oublions pas ceux qui n’y ont pas accès ou qui connaissent des difficultés pour les utiliser. C’est en prenant en compte ceux qui ne peuvent y accéder et en comprenant leurs difficultés, que nous arriverons à construire un numérique plus responsable.

[bctt tweet="C'est en prenant en compte ceux qui ne peuvent y accéder et en comprenant les difficultés de certains utilisateurs, que nous arriverons à construire un numérique plus responsable."]

A propos de l'auteur

Alizée Colin

Fondatrice & rédactrice

UX/UI designeuse, j’aspire à recentrer le web et ses outils dans un objectif de bien commun, tant bien environnemental que social. Nous sommes dans une ère où nous nous devons de réinventer notre manière de concevoir et de communiquer. Le numérique responsable en fait partie. Changeons les choses.

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