Nous avons déjà connaissance de la dimension éthique et sociale liée aux réseaux sociaux. Celle-ci peut s’avérer positive comme négative : design de l’attention et dark patterns, création de communautés néfastes, fake news… Au-delà de cet aspect éthique, savons-nous quel est l’impact environnemental de ces plateformes ?
Réseaux sociaux et pollution numérique
L’utilisation des réseaux sociaux en essor
Quelle part dans la pollution numérique ?
Nous le savons, le numérique pollue. La pollution numérique est principalement due aux appareils électroniques mais les plateformes, sites web et applications y contribuent aussi. De par la quantité astronomique de contenus stockés pour chaque réseau social, leur contribution est importante.
L’utilisation croissante des réseaux sociaux est accompagnée par un essor des contenus partagés, qui pèsent lourd sur les serveurs. À l’heure actuelle, Facebook compte plus de 250 milliards de photos sauvegardées. En effet, photos, vidéos, gif, tweets… Après leur publication, ces contenus sont stockés sur des serveurs dans des datacenters. Ils sont alimentés en électricité 24h/24 pour nous permettre l’accès aux plateformes et à leurs contenus. Plus il y a de contenus à charger sur plus de pages, plus le coût environnemental des serveurs est lourd.
Selon une étude de Greenspector de cette année, un utilisateur de réseaux sociaux sur mobile serait la cause de 102 kgEqCO2 à l’année, soit l’équivalent de 914 km effectués en véhicule léger moyen en France. En clair, poster et consommer du contenu a un impact environnemental. Nous aborderons plus loin les possibles solutions à ce problème.
Les réseaux sociaux de vidéos : premiers pollueurs ?
Comme déjà évoqué dans un précédent article : le streaming contribue à la pollution numérique. Les flux vidéos représentaient 80% des flux de données en 2018.
Certains réseaux sociaux comme Youtube ou TikTok sont entièrement basés sur le streaming de vidéos en ligne. Sont-ils plus énergivores que les autres réseaux sociaux ? Oui. Dans une récente étude de Greenspector, l’entreprise classe les réseaux sociaux les plus connus selon leur impact carbone, leur consommation d’énergie et les données chargées. Le scénario utilisateur ici est un défilement du fil d’actualité d’un compte actif pendant 1 minute. Aux résultats, on retrouve TikTok dans les premières positions avec un impact carbone et une quantité de données échangées qui éclatent les scores.
Contrairement à Youtube, le fil d’actualité de TikTok présente déjà les vidéos sur le smartphone de l’utilisation. Youtube, quant à lui, ne propose que des miniatures qui s’animent après 2 secondes dessus. Ainsi, “le fil d’actualité TikTok a un impact carbone de 7,4 fois plus important que celui de Youtube.” Cependant, si l’on s’attarde sur la consommation de contenu sur Youtube, le coût environnemental s’accroît. Contrairement aux vidéos TikTok, celles sur Youtube peuvent être en HD voire jusqu’en 4K. Regarder quotidiennement une heure de vidéo en HD sur Youtube reviendrait à l’année, à émettre autant de CO2 qu’une voiture parcourant 29 000 km.
Réseaux sociaux et sobriété : quelles solutions ?
Un impact environnemental positif ?
N’oublions pas que les réseaux sociaux peuvent avoir un impact positif. En effet, la base des réseaux sociaux se compose de la plateforme et de sa communauté. Face à l’urgence climatique, une mobilisation collective se crée sur différents réseaux sociaux.
Plusieurs exemples de challenges montrant des gestes écoresponsables ainsi que des hashtags se multiplient pour alerter, agir et sensibiliser la population. En 2019, on a par exemple pu voir apparaître le challenge #FillTheBottle. Il consistait à remplir une bouteille avec des mégots ramassés par terre puis de poster la photo sur Twitter (principalement) ou aussi Instagram. Cette même année, le hashtag #trashtag a explosé suite à une publication Facebook d’un jeune activiste. Celle-ci montrait un avant/après d’un lieu pollué puis nettoyé. Partagée et copiée, l’action a amené à une mobilisation internationale.
N’oublions pas le mouvement “On est prêts” qui a rassemblé plusieurs dizaines d’influenceurs sur les réseaux sociaux pour sensibiliser leur communauté et leur partager des gestes pour limiter leur pollution.
Sans la présence des plateformes, les nombreux challenges écologistes ne pourraient être aussi virales et avoir un impact. Sans parler du fonctionnement et de la réalisation des réseaux sociaux en eux-mêmes, leur communauté peuvent s’avérer forces d’actions positives.
Quels éco-gestes lorsqu’on utilise les réseaux sociaux ?
Est-il possible, chacun à notre échelle, de limiter l’impact environnemental de nos réseaux sociaux ? Oui. En effet, ce sont nous, utilisateurs, qui consommons et partageons du contenu sur ces plateformes. De ce fait, nous pouvons, dans une moindre mesure, agir pour diminuer la pollution des réseaux sociaux.
Premièrement, sur tous les réseaux sociaux, nous pouvons limiter le temps passé dessus. Et oui, de plus en plus d’applications permettent de le réguler. Apple a par exemple mis en place le paramètre “temps d’écran”. Cet onglet est disponible dans les réglages de tout iPhone ou iPad. Nous y retrouvons l’outil “limites d’app” qui va permettre de mettre une limitation de temps d’utilisation de n’importe quelle application, notamment les réseaux sociaux. Google, quant à lui, a mis en place une application appelée “bien-être numérique” disponible sur Android et qui offre les mêmes possibilités.
En ce qui concerne les réseaux sociaux basés sur le streaming vidéo, il est possible de réduire leur impact en diminuant le temps passé sur les plateformes ainsi qu’en diminuant le poids de la vidéo. Pour ce qui en est du temps, nous l’avons évoqué précédemment. Pour le poids de la vidéo, nous pouvons diminuer la qualité de la vidéo regardée. Cela est possible sur Youtube notamment, où passer une vidéo en 1080p à 720p a un réel impact reporté à l’année.
Enfin, pour limiter l’impact environnemental des réseaux sociaux, il faut en éviter l’excès. Cela veut dire de ne pas “poster pour poster” et réfléchir à la pertinence de notre publication. Cela revient plus du bon sens que de la bonne pratique mais il est utile de le souligner.
Est-il possible d’éco concevoir un réseau social ?
Comme tout logiciel, site web et application, il est possible d’éco-concevoir un réseau social. Du côté des concepteurs, cela reviendrait à adapter le design, le développement et l’hébergement de la plateforme en y intégrant les principes de développement durable. Repenser les réseaux sociaux pour limiter leur pollution est un point clé et efficace face à l’utilisation croissante de celles-ci. En les rendant plus frugales et sobres, les géants du web bénéficient de plusieurs avantages : temps de chargement nettement diminué (important sur smartphone), meilleure expérience utilisateur, plus de lisibilité… Pour en savoir plus sur l’éco-conception web, je vous invite à lire cet article.
Chaque année depuis 2007, Google (et donc, Youtube) est neutre en carbone via le principe de compensation carbone. Ce type de processus est cependant souvent critiqué car pour beaucoup il éloigne les entreprises d’un réel engagement sur leurs propres services et/ou produits. Pour le moment, aucune plateforme à ma connaissance (et recherches) n’a émis d’engagement concernant l’intégration de l’aspect environnemental durant la phase de conception.
Dans ce cas, existe-t-il des réseaux sociaux alternatifs et plus écologiques ? Et bien, pour le moment, des projets existent mais il n’y a pas de réel réseau social écologique reconnu. En creusant, j’ai vu des projets comme Orizzon, Voyage To Me et Greensbear. Les communautés y sont peu présentes, les réseaux sociaux sont souvent à la phase de test.
Conclusion
En conclusion, les réseaux sociaux participent sans aucun doute à la pollution numérique. Leur essor entraîne un partage et un stockage de données immenses, de quoi surcharger les serveurs et augmenter leur impact environnemental. Cependant, ces réseaux ont amené une motivation collective, force d’actions pour notre planète. Les réseaux sociaux polluent dans leur conception et gestion. Néanmoins, les utilisateurs de ces plateformes peuvent (et doivent) contribuer à diminuer la pollution de celles-ci et avoir un impact positif.
A propos de l'auteur
Alizée Colin
Fondatrice & rédactrice
UX/UI designeuse, j’aspire à recentrer le web et ses outils dans un objectif de bien commun, tant bien environnemental que social. Nous sommes dans une ère où nous nous devons de réinventer notre manière de concevoir et de communiquer. Le numérique responsable en fait partie. Changeons les choses.
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